La Tradition en Droit Civil : Définition, Exigences et Effets
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Définition de la Tradition
Mode d'acquisition de la propriété des choses et la remise que le propriétaire en fait à un autre, d'une part le pouvoir et l'intention de transférer ce droit de domaine, et d'autre part la capacité et l'intention d'acquérir (Art. 670).
Observations sur le concept légal
- La simple livraison ne suffit pas à constituer la tradition, car l'élément psychologique est essentiel. Il consiste en l'intention du cédant de transférer le domaine et l'intention de l'acquéreur d'acquérir.
- La loi est plus exigeante envers le cédant : il doit avoir le pouvoir de transférer le domaine. Cependant, elle n'exige de l'acquéreur que la « capacité » pour que la convention soit valide.
Caractéristiques de la Tradition
- Mode d'acquisition dérivé. Le domaine ne naît pas avec l'acquéreur, il provient d'une autre personne (le cédant). En cela, elle est semblable à la succession pour cause de mort, et différente de l'occupation, de l'accession et de la prescription.
- Sert à acquérir le domaine et tous les droits personnels et réels (Art. 670 al. 2, 699). Les droits hautement personnels font exception lorsque le cédant y a droit, car ils sont inaliénables. Cependant, la tradition peut être utilisée pour acquérir un droit réel d'usage ou d'habitation.
- Titre singulier, en règle générale. Exceptionnellement, ce sera un titre universel dans le droit successoral (la tradition du droit successoral).
- a) Ce qui est transféré est le patrimoine du défunt, non celui du cédant.
- b) Il y a tradition du droit de succession.
- Peut opérer à titre gratuit ou onéreux. Si le titre est gratuit, la tradition sera gratuite ; si le titre est onéreux, la tradition sera à titre onéreux.
- Opère entre vifs.
- C'est une convention. Ce n'est pas un contrat et ne crée aucune obligation. C'est un acte juridique bilatéral.
- Sert de juste titre pour la prescription. Lorsque le cédant n'est pas propriétaire de la chose livrée, la tradition n'est pas un moyen d'acquérir, mais elle sert de juste titre à l'acheteur pour gagner la chose par la prescription.
Champ d'application et importance
- Elle est très fréquente dans la vie juridique, le plus souvent parce que le contrat de vente est conclu, lequel est nécessairement suivi par la tradition pour acquérir le domaine.
- Par la tradition, on peut acquérir non seulement le droit de posséder, mais tous les autres droits réels et personnels, à l'exception des droits très personnels, sauf s'ils se constituent.
- Elle est nécessaire pour obtenir la prescription régulière, lors de l'invocation d'un titre de transfert de propriété.
Distinction entre Tradition et Livraison
Il peut y avoir une simple livraison ou une tradition en tant que telle. Les deux se distinguent comme suit :
- Dans la tradition, la livraison a pour but, pour le cédant et l'acquéreur, de transférer et d'acquérir le domaine, respectivement. Ce n'est pas le cas dans la simple livraison, même si l'acte physique est le même lorsqu'il s'agit de biens meubles.
- L'intention est manifeste dans la tradition par l'existence d'un titre portant sur le transfert de propriété. Ainsi, s'il y a eu négociation, il s'ensuit qu'il y a tradition. En revanche, dans le cas de la simple livraison, il existe un précédent en tant que titre de simple détention.
- Par la tradition, on acquiert le titre ou la possession. En revanche, par la simple livraison, on n'a que la simple détention, ce qui ne permet généralement pas au détenteur d'acquérir par prescription.
Confusion des termes dans la loi
Malgré ces différences, la loi tend à confondre les deux termes :
- L'Article 1443, qui définit les contrats réels, parle de la tradition, alors qu'il devrait dire livraison ou tradition.
- L'Article 2174 alinéa 2 fait de même pour définir le baillement, ainsi que l'Article 2196 sur la reconnaissance mutuelle, qui n'implique ni tradition ni livraison.
- En revanche, l'Article 2212, concernant le dépôt, utilise correctement le terme « remise ».
Pour certains auteurs, cette confusion se retrouve également dans l'Article 1824 sur la vente, en se référant aux obligations du vendeur (livraison ou tradition). D'autres pensent qu'il n'y a pas de confusion, car l'utilisation de la disjonction « ou » ne rend pas livraison et tradition synonymes. Ce qui était prévu était de préciser que le vendeur remplit son obligation par la tradition (lors de la vente de sa propre chose), ou simplement par la remise de la chose (lors de la vente d'une chose volée).
Exigences de la Tradition (Quatre conditions)
- Présence de deux personnes.
- Le consentement du cédant et de l'acquéreur.
- Existence d'un titre portant sur le transfert de propriété.
- La livraison de la chose avec l'intention de transférer le domaine.
1. Présence de deux personnes
Cette exigence est une conséquence de la nature conventionnelle de la tradition, qui exige l'expression de la volonté de deux personnes ou plus. Ces personnes sont le cédant et l'acquéreur (Art. 671).
- L'Acquéreur est la personne qui, par tradition, devient propriétaire du domaine de la chose reçue par lui ou en son nom (Art. 671).
- Le Cédant est la personne qui, par tradition, cède la propriété de la chose donnée par lui ou en son nom.
Conditions relatives au Cédant
Le cédant doit remplir les conditions suivantes :
- Il doit posséder la chose ou le droit cédé. Si le cédant n'est pas propriétaire de la chose ou du droit, la tradition est également valable, mais elle ne transfère pas le domaine, car on ne peut transférer plus de droits que l'on en a (voir Articles 682 et 683). C'est là que réside la différence entre la tradition et la simple livraison, et c'est la pertinence de la tradition dans notre droit civil. L'acheteur peut acquérir un titre par prescription, car la tradition lui donne la possession de la chose, qu'il reçoit pour lui-même dans l'esprit de seigneur et maître. L'enregistrement d'une vente d'autrui est considéré comme une tradition, et l'acheteur commence une possession qui lui donne le droit d'acquérir la propriété par prescription. La loi prévoit également que si le cédant acquiert le domaine après la tradition, l'acquéreur devient propriétaire de la chose à partir du moment de la tradition (Art. 682 al. 2, en lien avec l'Art. 1819).
- Il doit avoir l'autorisation de transférer le domaine. Ces mots (Art. 670) se réfèrent à la faculté ou au pouvoir de disposer, ce qui implique, entre autres cas, la capacité d'exercice. Si le cédant est un représentant légal, il doit se conformer aux formalités requises par le mandant, sans quoi il n'aurait pas le pouvoir de disposition.
Capacité de l'Acquéreur
L'Article 670 stipule que l'acquéreur doit être en mesure d'acquérir. Ce n'est pas la même capacité que celle exigée du cédant.
- Selon Alessandri, le cédant doit avoir la capacité d'exercice, tandis que l'acheteur n'a besoin que d'une capacité suffisante pour la jouissance.
- Daniel Peñailillo dit que l'acheteur doit également être pleinement capable, selon les règles générales, puisqu'il s'agit d'un acte juridique.
2. Le consentement du cédant et de l'acquéreur
C'est une conséquence de la nature d'acte juridique bilatéral de la tradition. L'Article 670 l'exige en demandant l'intention de transférer d'une part, et d'acquérir de l'autre, ce qui est corroboré par les Articles 672 et 673.
Si la volonté d'une partie fait défaut, la tradition est validée rétroactivement par la ratification de la partie qui n'avait pas consenti. La tradition est valable même par les personnes qui ne possèdent pas la chose.
Représentation
La tradition peut se faire par procuration. Tout acte qui peut être tenu personnellement peut être fait par un représentant, à l'exception de ceux expressément interdits par la loi (ex. Art. 1448, 671 al. 2, 1004). Les représentants doivent agir dans les limites de la représentation (Art. 674, 2131 et 2160).
Objet de l'accord
L'accord dans la tradition porte sur :
- a) L'objet de la chose qui sert à la tradition.
- b) Le titre.
- c) La personne qui fait la tradition.
Vices du consentement
La volonté dans la tradition doit être exempte de vices :
- L'erreur sur la personne annule la tradition (Art. 676). C'est une exception aux principes généraux.
- Erreur sur le titre de la tradition (Art. 677), conformément à l'Article 1453. Deux aspects invalident la tradition :
- i. Les deux parties comprennent qu'il y a un titre impliquant un transfert de titre, mais elles se trompent sur la nature du titre.
- ii. Une partie estime qu'il y a un titre de transfert de propriété et l'autre estime qu'il n'y a qu'un titre de simple possession.
3. Existence d'un titre translatif de propriété
- Sans titre translatif de propriété, il n'y a pas de tradition (Art. 675).
Ce sont des titres qui, par leur nature, sont destinés à transférer le domaine (Art. 703). Ils servent de base à l'acquisition du domaine, mais ne transfèrent pas par eux-mêmes, ce rôle étant dévolu aux modes d'acquérir.
Les titres translatifs de domaine impliqués sont : l'achat et la vente, l'échange, la donation, l'apport à une société, le mutuel, le quasi-usufruit, le dépôt irrégulier.
- Le titre de la tradition doit être valide.
La nullité du titre peut affecter la tradition. La nullité de la tradition est généralement la conséquence de la nullité du contrat qui sert de titre translatif de propriété. C'est ce qu'on appelle l'influence du titre dans la tradition. Il en va de même en cas d'absence de titre translatif de propriété.
De ce point de vue, la loi considère la tradition comme un acte causé par un titre, et non comme un acte abstrait ou indépendant.
Portée de la nullité
L'étendue de la nullité pour absence ou invalidité du titre n'est pas définie avec précision. Elle peut être considérée par rapport à l'effet de la possession de la tradition. L'Article 675 stipule que l'absence ou l'invalidité du titre fait obstacle à la tradition. On ne sait pas si l'invalidité prive de tout effet (l'acheteur n'a jamais reçu quoi que ce soit dans un esprit de propriété et n'est jamais entré en possession), ou si elle est nulle en tant que mécanisme de transfert de domaine, mais laisse l'acheteur en possession.
La première solution se fonderait sur l'effet rétroactif de la nullité, qui élimine toute conséquence de l'acte déclaré invalide.
La deuxième solution semble la plus conforme au régime général établi par le Code civil pour les raisons suivantes :
- La dernière partie de l'Article 675 montre que la règle semble viser davantage la cession du domaine, sans référence à la possession.
- L'Article 704 n° 3 et 4 considère comme injustes les titres nuls et non apparents, respectivement. On considère donc qu'il y a eu réception d'un titre putatif ou nul, mais injuste, et qu'il y a possession, même si elle est irrégulière, permettant d'acquérir par prescription extraordinaire.
- De plus, le Code civil considère l'occupation comme un titre, ce qui équivaut à admettre la possession sans titre. Il serait incohérent d'empêcher la possession s'il y a un titre, même s'il est nul.
4. La livraison de la chose avec l'intention de transférer le domaine
La tradition est la remise de la chose. La forme est différente selon qu'il s'agit de biens meubles, immeubles ou de droits personnels.
Effets de la Tradition
Il faut distinguer si le cédant est le propriétaire de la chose livrée ou non.
1. Le cédant est propriétaire de la chose livrée
L'effet normal ou naturel de la tradition opère : le transfert du domaine du cédant à l'acquéreur (Art. 670, 671 et 1575). Comme il s'agit d'un mode d'acquisition dérivé, le domaine passe à l'acheteur dans les mêmes conditions. Exemple : Si un impôt a été établi ou si la chose a fait l'objet d'une résolution, la charge et l'éventualité sont transférées.
2. Le cédant n'est pas propriétaire de la chose livrée
La tradition est valable, conformément à l'Article 1815, qui établit la validité de la vente d'autrui. Il peut y avoir trois situations :
- Le cédant est possesseur régulier de la chose livrée. Si l'acheteur est de bonne foi et acquiert moyennant un juste titre, il prend également possession régulière de la marchandise livrée. Cela ne signifie pas que la possession du cédant a été transférée à l'acheteur, car la possession n'est ni transférée ni transmise. Le contrat précédant la tradition joue le rôle de titre et sert à l'acheteur pour commencer une prescription ordinaire. De plus, l'Article 717 permet au successeur d'ajouter la possession de ses ancêtres, avec ses qualités et ses défauts.
- Le cédant est possesseur irrégulier. Si l'acheteur est de bonne foi et a un juste titre, il améliore le titre du cédant. Le titre et la tradition servent de juste titre pour régulariser la possession. Dans ce cas, il ne convient pas au titulaire actuel d'ajouter la possession de son prédécesseur, car si c'était le cas, la possession régulière du premier deviendrait irrégulière, puisque l'agrégation des biens fonctionne avec ses qualités et ses défauts.
- Le cédant est un simple détenteur de la chose livrée. Le cédant, en tant que simple détenteur, ne peut jamais obtenir une prescription pour acheter la chose, car la simple détention exclut la possession, à l'exception de l'Article 2510, Règle 3°. Mais même dans ce cas, si l'acquéreur est de bonne foi (c'est-à-dire sans savoir que le cédant n'est qu'un simple détenteur) et a un juste titre, il sera un possesseur régulier et pourra acquérir la chose par la prescription de droit commun.
En aucun de ces trois cas, il ne peut se produire que le cédant acquière le domaine après la tradition. En vertu des Articles 682 et 1819 alinéa 2, le transfert de domaine a fonctionné à partir du moment où la tradition a eu lieu.