La Raison et le Réel: Définitions, Enjeux et Connaissances

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La Raison et le Réel

La raison s'est affirmée peu à peu comme le moyen privilégié pour ordonner le monde réel et faire émerger la connaissance. Cependant, des obstacles se sont opposés à son développement et limitent encore la puissance de la raison. Finalement, la grande question est celle de l'universalité ou de la relativité des cadres rationnels, question qui divise les scientifiques selon les époques.

I Définitions et enjeux des notions de raison et de réel

A La raison

La raison se définit d'abord comme faculté de l'homme à formuler des jugements et raisonnements. Généralement, l'usage de la raison correspond à la faculté de discerner le vrai et le faux, le bien et le mal. De nombreuses expressions du langage courant ont recours à cette notion : ainsi, on peut dire qu'un enfant a atteint "l'âge de raison" pour exprimer l'idée qu'il est dorénavant assez grand pour être responsable. De même, lorsque quelqu'un semble agir de façon inconsidérée, on dira qu'il a « perdu la raison », ou bien on l'invitera à "faire appel à sa raison". Toutes ces expressions montrent bien que la raison est la faculté grâce à laquelle l'homme peut raisonner : renvoyant à la capacité de réfléchir, elle se distingue de l'imagination, mais aussi des passions et des sentiments. Deux adjectifs tirés de cette notion permettent d'en cerner davantage le sens : Rationnel : ce qualificatif désigne une façon de réfléchir et de se conduire qui présuppose une méthode et de l'ordre dans la façon de procéder. Ce qui est rationnel s'oppose donc à ce qui est vague ou imaginaire, mais aussi à ce qui relève de la croyance.
Raisonnable : ce qualificatif renvoie aussi à une manière de réfléchir et de se conduire, mais insiste sur l'aspect modéré, prudent, des jugements et des actions, par opposition à une conduite emportée, dictée par les sentiments et les passions. Être raisonnable, c'est donc suivre les "bons" choix, collectifs ou personnels.

B Le réel

Au sens strict, le réel désigne ce qui existe vraiment. La notion de réel renvoie donc à quelque chose de très vaste : il s'agit de tout ce qui est, c'est-à-dire tout ce que l'on peut constater (le monde, la nature, les hommes, la société, etc.) notamment ce qui est pensable de manière scientifique. Pour comprendre ce terme dans toute sa complexité, il est utile de comprendre ce à quoi s'oppose l'adjectif réel. On dira d'une chose qu'elle est réelle par opposition :
À ce qui relève de la pure pensée (par exemple la logique). À ce qui relève de l'imagination (par exemple une licorne). Où à ce qui relève du possible, c'est-à-dire ce qui n'existe pas mais pourrait exister. Peut-être plus fondamentalement, le réel s'oppose à ce qui relève de l'apparence : est réel ce qui est vraiment, ce qui définit une chose, par opposition à la manière dont elle se manifeste. Si l'on se fie aux apparences, on pensera que le Soleil tourne autour de la Terre, alors qu'en "réalité", c'est la Terre qui tourne autour du Soleil. De la même façon, on peut se fier à l'image de quelqu'un, alors qu'elle ne reflète pas ce que cette personne est "réellement" : c'est le sens du proverbe "l'habit ne fait pas le moine". On le voit, l'opposition entre le réel et l'apparence est décisive dans l'ordre de la connaissance et de la morale.

C Les enjeux liés à ces notions

Si les notions de raison et de réel sont rapprochées, c'est qu'ensemble elles posent la question du rapport de l'homme au monde. Il s'agit de déterminer si la raison peut offrir à l'homme une connaissance de ce qui existe vraiment, du réel. En effet, les opérations de la raison visent la connaissance du réel, mais peut-on être assuré que ces représentations rendent fidèlement compte de la réalité, c'est-à-dire de ce qui existe indépendamment d'un esprit qui le saisit ? Y a-t-il un écart entre l'esprit et les choses ? C'est la notion de connaissance qui est au cœur de cette interrogation. Cette question portant sur le statut de la connaissance du monde que l'homme peut construire est au cœur de l'activité philosophique et scientifique. En ce sens, comprendre le réel et lui donner sens constitue l'une des tâches que se donne la philosophie.

II La raison pour connaître le réel

A La raison mène à la rationalité

Si l'homme se donne pour tâche de connaître le réel grâce à la raison, il devra renoncer à expliquer certains phénomènes qui, bien qu'existant réellement, ne peuvent être compris rationnellement. En effet, la raison peine à rendre compte de tous les phénomènes : certains événements semblent dépourvus de toute rationalité, et plutôt liés au hasard. Dans la perspective de la connaissance, la raison devrait alors se détourner du "réel" purement sensible, c'est-à-dire de tous les phénomènes changeants, pour ne s'intéresser qu'aux entités vraies, c'est-à-dire qui demeurent les mêmes dans le temps. C'est notamment ce que préconise Platon : le "réel" auquel nous avons accès immédiatement n'est que celui des apparences sensibles. Or, puisque celles-ci sont changeantes, qu'elles ne demeurent jamais identiques à elles-mêmes, la connaissance doit en fait s'en détourner et tenter de connaître ce qui ne se voit pas mais peut être saisi par la raison : c'est ce que Platon appelle les idées, ou l'essence des choses. Par exemple, afin de saisir ce qu'est un lit, il ne faudra pas se contenter de l'objet, mais saisir ce qui, rationnellement, permet de définir tous les lits. Cette définition du lit, ce qui constitue l'essence ou l'idée du lit, permettra ensuite de définir tous les lits qui existent dans le monde sensible. C'est ce qu'illustre l'allégorie de la caverne qu'utilise Platon dans La République. Dans cette allégorie, Platon nous livre la description d'une existence étrangère au questionnement philosophique : des hommes sont enchaînés depuis leur naissance dans une caverne profonde et obscure. Ils tournent le dos à l'entrée et ne connaissent donc ni le soleil ni le monde réel. La lumière d'un feu qui brûle au loin leur parvient, et entre eux et le feu se trouve un muret ainsi qu'un sentier où passent des hommes portant des figurines d'humains et d'animaux. Les prisonniers voient alors les ombres de ces objets projetées sur la paroi devant eux et croient que ce sont les objets eux-mêmes. Cette image décrit le rapport immédiat que l'homme entretient avec le monde : de la même façon que les prisonniers de la caverne prennent les ombres qu'ils regardent pour les choses réelles, l'homme prend les apparences sensibles qu'il voit pour les entités réelles. Tout l'enjeu de la connaissance est justement d'apprendre à se détourner des apparences sensibles. Ainsi, pour accéder à la connaissance véritable, il ne faut pas nous fier aveuglément à tout ce que nous apprennent les sens, et plus généralement les apparences sensibles. Il apparaît que, dans son entreprise de connaissance du réel, l'homme doit se limiter à ce dont il peut rendre compte rationnellement.

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